M. Jean Chavaudra

Académie des arts, lettres et sciences de Languedoc. Fauteuil n° 48 .  

Présentation par M. le Pr. par Gui Portal.

Né à Paris en 1938, le professeur  Jean Chavaudra avait un diplôme d’ingénieur de l’Ecole Nationale Supérieure d’Electricité en 62 quand il décida de réorienter sa carrière vers le médical. Il rencontra madame le Professeur Andrée Dutreix, Prix Becquerel de notre Académie en 1995, qui le dissuada de se lancer dans de longues études en médecine et  le convainquit de se consacrer avec elle à la carrière de physicien d’hôpital, spécialité qui était en cours de création et qui faisait défaut aux cancérologues et radiothérapeutes des années soixante. 
Il entra donc à l’Institut Gustave Roussy, l’IGR, et prépara un DEA de radiobiologie puis un doctorat es Sciences sur l’influence des variations de l’ozone atmosphérique sur les effets biologiques des rayonnements UV solaires.
Il poursuivit ainsi à l’IGR une brillante carrière de Physicien Médical et de chercheur sous la direction du Professeur Maurice Tubiana (membre de l’Institut) et du professeur Andrée Dutreix. C’est ainsi qu’il participa activement à la mise en place de la spécialité de Physicien Médical en France ainsi qu’à l’enseignement correspondant à l’Université Paul Sabatier de Toulouse.
Il devint également le chef du service de physique de l’IGR, prenant ainsi la succession du professeur Dutreix qui lui avait mis le pied à l’étrier. Il a à son actif de multiples publications et ouvrages scientifiques. 
Parallèlement à la carrière de Physicien Médical, il a tenu à transmettre son enthousiasme et son savoir aux jeunes générations et consacré une partie de son temps à l’enseignement universitaire en France et à l’étranger.
Il fut nommé successivement assistant à la faculté de médecine de Paris Sud en 1969, chargé d’enseignement en 1985, professeur associé des universités en 1987 et professeur en 1995 à l’Institut des Sciences et Techniques Nucléaires de Saclay, l’INSTN dont le directeur est parmi nous aujourd’hui.
Membre de nombreuses sociétés de physique médicale et de radiothérapie, il a acquis une réputation internationale qui l’a propulsé vers un rôle d’Expert, notamment auprès du Bureau National de Métrologie, du CEA, de l’Académie des Sciences, de l’Académie des Technologies, de  l’IAEA et de la Commission Internationale des Grandeurs et Unités Radiologiques (ICRU) de Washington dont l’ancien président, le professeur André Alisy prix Becquerel 1998 de notre académie, est parmi nous aujourd’hui.
Il fut aussi co-responsable scientifique du Laboratoire de Mesure du Réseau Européen EQUAL de contrôle de qualité en radiothérapie mis en place à l’IGR. 
L’Académie, déjà reconnaissante, lui avait décerné en 2003 le prix Becquerel, récompense qui venait couronner, au moment où il prenait sa retraite comme professeur émérite, toute une vie d’efforts et de succès vouée à la lutte contre le cancer. Il rejoignait ainsi la liste prestigieuse des lauréats du Prix Becquerel représentée aujourd’hui par le professeur André Allisy et le professeur Jean Chanteur ici présents.
Ses origines parisiennes ne l’auraient pas prédisposé à devenir membre de notre académie s’il n’avait pas participé, avec Jean Paul Buffelan et moi-même, à la création des prix scientifiques de notre académie. Depuis 1993, il a toujours été à mes cotés en tant que représentant de la Société Française des Physiciens médicaux et c’est ensemble que nous avons, annuellement, organisé cette remise de prix. 
C’est avec satisfaction que mes confrères et moi-même avons le plaisir, aujourd’hui, de l’accueillir en notre sein. J’ajouterai, avec quelques regrets, qu’il va occuper le siège 48 laissé vacant par le professeur Henri  Brusset qui a souhaité entrer dans l’honorariat. Ce dernier avait prévu de participer à notre cérémonie pour soutenir notre nouvelle recrue lors des « affres de l’intronisation ». Aussi me permettrais-je de l’associer à ma présentation.
Chers professeurs, vous représentez tous les deux le brillant passé et le futur que nous souhaitons prestigieux de notre académie. Grâce à vous deux elle a bien vécu et elle vivra longtemps. Tous les académiciens se joignent à moi pour vous adresser leurs félicitations.

Réponse du Professeur Jean Chavaudra

Madame la Présidente, monsieur le Secrétaire Perpétuel,  mesdames et messieurs les académiciens, mesdames, mesdemoiselles, messieurs, 
C’est avec un soupçon d’incrédulité que j’avais entendu mon ami le Professeur Gui Portal évoquer pour moi la possibilité de devenir acteur dans votre éminente assemblée, d’une part, en raison de mes modestes mérites, de l’image, redoutable pour un scientifique, de la composante Arts et Lettres de l’Académie, enfin de l’énergie que j’ai dû mettre en oeuvre pour ne pas trouver parmi mes ancêtres proches des origines languedociennes. Pour ce dernier point, peut-être pourrais-je invoquer une assimilation languedocienne, justifiée par ma longue fréquentation de l’Université Paul Sabatier, me référant à la déclaration de Jules Michelet : « auprès des assemblées comme auprès des femmes, l’assiduité sera toujours le premier mérite »…
Pour les autres points, Gui Portal en a manifestement fait son affaire…
Aujourd’hui, je ne peux que vous remercier pour votre accueil et l’honneur que vous me conférez, et m’efforcer de justifier votre confiance, associant ma présence parmi vous à l’intérêt que vous avez manifesté depuis des années à la Physique Médicale, en particulier au cours de cette séance avec la remise des prix scientifiques. 
Je dois bien sûr un remerciement particulier au Professeur Gui Portal qui fut, non seulement, il y a quelques décennies, un soutien précieux pour notre domaine, spécialement pour le développement de la dosimétrie par thermoluminescence, dont il est l’un des pionniers, mais encore aujourd’hui dans son action pour la formation des Physiciens Médicaux et dans le cadre de l’Académie.
Je remercie le Professeur Daniel Blanc, les Professeurs Jean et Andrée Dutreix, qui ont été les premiers lauréats du prix Becquerel de votre (et désormais de notre) académie et qui ont établi initialement la collaboration entre l’Université Paul Sabatier et notre Université Paris XI.
Je remercie également les collègues, amis et proches qui me font l’amitié d’être présents ce soir comme ils le sont dans la vie. 
Un hommage particulier est dû au Professeur Henry Brusset, qui, souffrant, ne peut être présent ce soir. Titulaire du siège 48, le Professeur Brusset, personnalité ô combien exceptionnelle, a exprimé le désir de cesser ses activités au sein de l’Académie. Ce siège 48, qui m’est attribué aujourd’hui, m’engage dans une succession difficile…En effet, au cours de sa longue vie, qui a traversé le 20ième siècle (il est né en 1913) le Professeur Henry Brusset s’est constitué un curriculum vitae impressionnant, qu’il continue à enrichir : 
Dès sa formation, il a fait preuve d’une remarquable ouverture d’esprit puisque, titulaire d’un Baccalauréat Philosophie-Mathématique, d’une licence es Sciences Mathématiques et d’une licence es Sciences Physiques, il devient agrégé et Docteur es Sciences Physiques, consacrant sa carrière à la chimie !  Notons en passant que, admis à l’Ecole Normale Supérieure, il a aussi été admis à l’Ecole Polytechnique…
Sa carrière professionnelle, de notoriété internationale, repose sur une double activité de Recherche et d’Enseignement. 
Comme enseignant, il exerce d’abord à Toulouse comme Professeur  de Mathématiques Spéciales, puis à la Faculté des Sciences. Ensuite, il exerce à Paris, Professeur à la Sorbonne, puis à l’Université Pierre et Marie Curie (Paris VI). Il est aussi Professeur à l’Ecole Normale Supérieure et à l’Ecole Centrale.
Contribuant également à divers cours et conférences en France et à l’étranger, il transmet ainsi son message à plus de 20.000 étudiants. 
Comme chercheur, grâce à  sa formation pluridisciplinaire, il peut apporter dans le domaine de la chimie une impulsion qui en fait l’un des principaux artisans de la Chimie Moderne, où il introduit en particulier très tôt l’informatique.
En Chimie Minérale, son intérêt se porte sur l’étude du carbone, des oxydes complexes et de la liaison chimique.
En Génie Chimique, il a joué un rôle déterminant dans les études cinétiques et de transferts, ainsi que dans les études d’unités de transformation et de leurs associations. 
Cette contribution dans le domaine de la recherche s’exprime dans plus de 500 publications, la préparation de 150 thèses, dans l’organisation de colloques et de congrès en France et à l’étranger.
Comme expert, il s’est illustré en particulier :
- Dans des missions au niveau national, ou d’ Organisations Internationales.
Mentionnons en particulier l’UNESCO (création d’une université à Patras, programme de chimie pour l’enseignement préparatoire aux études médicales dans le monde en développement), l’Union Internationale de Chimie Pure et Appliquée  (normalisation des symboles utilisés en  chimie physique), la Fédération Européenne de Génie Chimique (organisation entre autres de congrès en France sur le génie chimique au service de l’homme, en particulier génie biochimique et de l’emploi des calculateurs électroniques en génie chimique).
- Dans des expertises judiciaires (Cour de Cassation, Cour d’Appel de Paris, Tribunal de Commerce de Paris, Tribunal Administratif de Paris). Notons en particulier une expertise concernant un brevet pour l’emploi du diamant artificiel, utilisé aujourd’hui pour la dosimétrie. 
Ces importantes activités professionnelles n’ont pas empêché le Professeur Brusset de jouer un rôle dans le cadre de la Défense Nationale, car diplômé Auditeur  de l’Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale, il a été chargé de recherches de défense pendant plus de trente ans, contribuant à des études sur la fabrication d’uranium nucléaire, des substances piezo-électriques et à l’adaptation de polymères. 
La vie personnelle du Professeur Brusset n’est pas moins riche en activités et en honneurs. Sur le plan familial, issu d’une famille languedocienne, le Professeur Brusset épouse une toulousaine, malheureusement disparue. Il est aujourd’hui entouré par ses deux enfants, médecins spécialistes, quatre petits enfants qui, suivant l’exemple de leurs parents et grands parents, se sont engagés dans des études universitaires, dans les lettres et les sciences, en particulier l’informatique, en écho à l’un des sujets favoris de leur grand père.
Ne négligeant pas le contexte humain de ses activités, le Professeur Brusset s’est également engagé dans des associations d’anciens élèves (lycée Fermat de Toulouse, Ecole Normale Supérieure), apportant une aide précieuse pour les orientations de carrière.
Une telle vie ne pouvait qu’être honorée par des décorations. Il est en effet Chevalier dans l’Ordre National de la Légion d’Honneur, Grand Officier dans l’Ordre National du Mérite, Commandeur dans l’Ordre des Palmes Académiques et Commandeur dans l’Ordre de l’Etoile d’Anjouan. 
Ce palmarès démontre, s’il en était besoin, la qualité exceptionnelle du Professeur Brusset, et la difficulté d’une telle succession….
Notons enfin que le  rapprochement de la Physique, de la Chimie et de la Médecine est déjà présent dans la vie professionnelle et personnelle du Professeur Brusset, prémisse de  l’ouverture de l’Académie à un représentant de la Physique Médicale, qui est honorée aujourd’hui.